source : Invincible par Amy Lawrence

Jens Lehmann ..
Je l’ai vu jouer avec Dortmund. J’aimais son attitude, son intelligence, sa personalité. Ensuite, c’était plutôt simple car c’était un accord trouvé directement entre lui et moi au téléphone. Sans agent, sans avoir à le rencontrer directement. On a eu des conversations intéressantes .. [rire] .. Vous connaissez Jens! Chaque détail devient important. Donc je me suis dit, soit ce gars sera un flop monumental, soit ce sera un vrai succès car il est spécial dans son intensité, ses arguments, sa façon de parler franchement. J’étais très intéressé. Après deux conversations, je me suis dit, c’est le bon gars pour cette équipe, car il a le même niveau de motivation et la personnalité qui ira avec le reste de l’équipe.


Kolo Touré ..
Je l’ai essayé en match de pré-saison en Autriche [en défense centrale]. On a joué contre le Besiktas, et j’ai demandé au coach, Mircea Lucescu que je connaissais bien, ‘peux tu observer mon équipe et j’observerai la tienne?’ Puis ‘vous êtes bons devant?’. Il me répond que oui. Je lui dit ‘OK, donne moi ton impression sur mes deux défenseurs centraux après le match’. Je fais jouer Kolo et Sol pendant ce match. Après il m’a dit être impressionné par leur puissance. C’est ce que j’avais essayé de créer. J’avais deux trains turbo en défense, avec une puissance énorme. Je pensais que Kolo, guidé par l’expérience de Sol, pouvait marcher. C’était un choix majeur.


Lauren ..
Avec lui j’ai du me battre, il venait régulièrement pour me convaincre qu’il n’était pas un arrière droit .. [il sourit en se rappelant] .. Je lui ai dit ‘Écoute, fais moi confiance, t’es un arrière droit’. Il me répond ‘Non je ne suis pas un arrière droit. Je suis un milieux droit, je peux même jouer milieux axial’. Je lui dit ‘mais je peux faire de toi un arrière droit magnifique’. Au bout d’un moment, il l’a accepté. J’aime changer un joueur de poste, ça teste vraiment la personnalité du gars aussi.


Changer un joueur de poste ..
C’est mon boulot parfois de trouver un bon poste pour les joueurs – c’est une question d’adapter son potentiel physique, physiologique et son niveau tactique à ce poste. C’est pas nouveau. Par exemple avec Lilian Thuram [Monaco], à la base il était milieux droit, et je l’ai fait jouer en défense centrale. Emmanuel Petit était un défenseur central et je l’ai fait jouer milieux axial. Quand on prend ces décisions, il faut analyser le joueur en détail, sinon on est pas à l’aise. J’ai acheté Lukas Podolski qui était avant centre, ou ailier, mais au bout d’un moment j’ai été convaincu que ça ne serait qu’un ailier, pas un avant centre. Il peut jouer derrière l’attaquant, mais pas seul en pointe. Parfois il faut savoir réviser son jugement.


Un groupe intelligent ..
Je dois dire que j’ai travaillé pendant 30 ans au top niveau, et à chaque fois que j’ai eu des équipes qui ont eu du succès, j’en arrive à la même conclusion : c’était des gars intélligent. On a des joueurs talentueux chaque année, mais pour réussir quelque chose de spécial, d’abord il faut gagner sur ces petits détails qui pendant une saison très serrée peuvent s’avérer vitaux, et il faut des joueurs qui répondent avec intelligence à des situations difficiles. Henry, Bergkamp, Vieira, Lauren, Kolo, Cole, … qui vous voulez, c’était tous des joueurs intélligent. Ils étaient très exigeants les uns envers les autres. C’était de fortes personnalités. Dans le vestiaire ce n’était pas toujours simple. Mais il y avait une confiance globale chez eux, un état d’esprit compétiteur aussi. Des gars comme Sol ont des personnalités très exigeantes.


Rendre tout le monde heureux ..
D’abord il faut donner à chaque joueur l’espoir de pouvoir participer au prochain match, et que le prochain match est le plus important. Donc il ne faut pas rompre la communication. Communiquer avec eux, leur expliquer qu’il font partie du plan. Peut-être un peu moins qu’ils ne le veulent, mais plus qu’ils ne le pensent. C’est une question de confiance dans votre honnêteté, et de distance entre eux et vous. Avec le temps, vous apprenez à savoir quand un gars a besoin de parler. C’est comme dans la vie. Vous avez une idée de la distance a avoir dans la communication. Parfois dans votre quotidien, vous vous dites, je suis pas assez proche avec lui. C’est pareil avec un joueur. Parfois on se dit, je suis en train de le perdre, faisons le revenir. On apprend ça avec le temps. Ca demande de la patience, et se rendre assez disponible.


Sa relation avec les joueurs ..
On ne peut pas être amis. Il faut prendre des décisions difficiles. Quand on joue une finale de la Coupe et qu’il y a des joueurs a laisser en tribunes, si vous êtes amis avec lui, vous ne pouvez pas. Il faut surtout un respect compréhensif. Ca veut dire de l’empathie pour eux, et il ne faut pas avoir peur de leur montrer, mais ils doivent aussi savoir qu’à un moment donné je prendrai des décisions qui pourrait les blesser. Ils doivent respecter ça, mais il faut faire ça d’une manière qui montre du respect aussi. On ne peut pas toujours tout expliquer, mais ils doivent savoir que quand je prend une décision, c’est avec honnêteté et respect.


Comment les motiver ..
Ces gars sont des millionnaires car ils sont motivés [et non c’est difficile de les motiver parce qu’ils sont millionnaires]. Ils sont motivé car ils veulent l’excellence. Il y a trois genre de motivation : la motivation intrinsèque qui signifie qu’un gars naturellement exigeant avec lui-même voudra être le meilleur, et il a toujours cette insatisfaction intérieur avec ce qu’il a produit. Ensuite il y a la motivation extrinsèque, c’est le gars qui veut montrer aux autres que c’est le meilleur. Et enfin l’autre motivation extrinsèque c’est le gars qui veut gagner le respect des autres pour sa qualité, et ce qu’il fait, et veut leur montrer cette qualité. Trop d’argent peut être un problème parfois, mais je ne pense pas que ça affecte ce qui fait la qualité d’un joueur. Il peut être en méforme, mais les plus grands champions ont cette motivation intrinsèque, l’argent ne changera rien.


Ce match nul à Old Trafford ..
C’était intense, surtout pour Martin Keown, qui a été traité comme un gangster. Même ses enfants le disent, il lui est arrivé quoi à mon père? Il a été touché par ça. Il ne s’est pas passé grand chose vraiment, mais ça avait fait beaucoup de bruit. J’ai essayé de minimiser la chose avec le groupe. Laissons les parler. Concentrons nous sur nous, l’importance du prochain match. Cette équipe je dois dire était assez difficile car faite de forte personnalités, mais d’un autre côté c’était simple car ils étaient très murs, intelligents; ils savaient ce qui était important et ce qui l’était moins. Des choses comme ça ne sont pas difficile à gérer. OK, ils s’en sont pris à Martin, l’ont chambré, mais globalement ça ne les a pas distrait.


Leur solidarité ..
Bien sûr que j’étais fier qu’ils soient solidaire [toujours concernant la réaction après le penalty raté de Van Nistelrooy], j’étais fier de voir ça. C’était des gars qui étaient prêt à se battre. Parfois quand on veut voir la solidité de quelqu’un, vous vous demandez ‘est-ce que je pourrai me battre dans la rue à ses côtés?’ Dans cette équipe, je peux vous dire, on en avez plusieurs. C’était leur force, ce genre de charisme. Ils vous donne ce sentiment : j’ai cette qualité et j’en suis conscient. Le charisme vient en second – je sais que j’ai cette qualité, et je suis prêt à l’assumer.


Frustré de ne pas avoir gagné plus ..
Oui, car cette année là, on aurait pu gagner la Champion’s League. Trois jours après avoir joué Chelsea en Champion’s League, on joue Man Utd en FA Cup. Je ne voulais pas sacrifier la FA Cup, donc je me suis dit qu’il faudrait une équipe capable de battre Man Utd en FA Cup. Ce match à Villa Park, Man Utd ce jour là nous a bougé. Reyes s’est fait bouger, on a perdu des joueurs sur blessure, on a perdu de la confiance, et 3 jours après on perdait le match retour contre Chelsea à la dernière minute. Je pouvais voir leur fatigue. Donc si je pense avoir fait une erreur cette saison là, c’était de ne pas avoir sacrifié le match face à Man Utd. Souvent les matchs de Champion’s League sont en conflit avec ceux de FA Cup au calendrier, et on se dit ‘je fais quoi?’ .. [ils soupire] .. Cette saison là on aurait pu tout gagner. J’ai essayé. On avait l’équipe pour le faire. On avait 16-17 joueurs de haut niveau.


Mené au score face à Liverpool dans le match qui suit ..
J’étais assis. Pendant toute la saison on a pas perdu de match, et soudainement on est en train de tout perdre. Chelsea n’était pas loin derrière nous en championnat à ce moment là. Ce qui était le plus inquiétant c’est qu’à la mi temps, dans le vestiaire, je sentais aucune réaction. Les gars étaient absolument sans voix. Il faut avaler une déception, deux déceptions, et là mené 2-1 … j’étais très inquiet. J’ai essayé de mobiliser leur énergie. Allez les gars, on réagit, allons-y! On ne peut pas accepter ça. Une chose qu’il faut dans notre métier, c’est des joueur de talent spéciaux, et Thierry Henry était spécial. Soudainement on menait 4-2. Thierry a fait la différence.


Gagner à White Hart Lane ..
Après la défaite de Chelsea, on savait que si on ne perdait pas, on serait champions. On fait l’écart, c’était incroyable, et soudainement ils reviennent à 2-2. Je me rappelle que l’arbitre a été un peu injuste avec Jens. Il a poussé Keane en corner quand Keane a essayé de marcher sur son pied. Il siffle pénalty et je ne sais toujours pas pourquoi. On était champions, mais Sol et Jens se sont presque battu! Ca montre a quel point ces gars sont des compétiteurs. On a du les calmer dans le vestiaire. Ce n’était pas l’euphorie. C’était vraiment incroyable. ‘Les gars on a gagné le titre de champion, voyons! »


Finir la saison invaincu ..
Est-ce que je leur ai fait un grand discours pour les avertir de ça [le relâchement après avoir été champion]? Oui. On jouait juste ce qu’il fallait dans chaque match pour ne pas les perdre. Mais ils étaient déjà en vacances! J’étais plus stressé lors de ces match alors que l’on était déjà champions. Même lors du dernier match contre Leicester, on était mené à la mi temps. Je leur ai dit ‘Écoutez, on a gagné le titre de champion, maintenant je veux que vous deveniez immortels’. Ils se disent, ce gars est fou. Dans ces matchs, même si on a pas été convaincant, car sans grande volonté, on a fait le nécessaire. On a pas perdu. Quand on était mené contre Leicester, on a senti une réponse forte. Je n’étais plus inquiet.


Le moment où jamais, avant que l’argent des multimilliardaires portent leurs fruits et le changement de stade ..
C’est arrivé juste au bon moment. Tout le monde parle de cette équipe de Chelsea qui a gagné le titre de champion dans la foulée mais en 2004 ils avaient déjà une grosse équipe. Abramovich avait injecté beaucoup d’argent, ils ont signé Drogba, Carvalho, après avoir fini second. Ils ont pris le dessus après ça. Chelsea est arrivé, puis Man City. Vous avez vu ce qui s’est passé ensuite – maintenant on a Man Utd incapable de se qualifier en Europa League. Il suffit d’une ou deux décision moyenne et vous êtes loin.
On a l’impression de se battre avec des pierres contre des tank. Les gens ne se rendent pas compte. Ils veulent juste que vous soyez champion. Mais c’était une période très difficile, mais aussi très excitante.


La célébration après Leicester ..
Je vous parle du passé, mais c’est douloureux pour moi de regarder en arrière, je suis toujours concentré sur l’avenir. C’était un de mes rêves, finir une saison sans perdre un match .. [il prend une pause, et sourit] .. j’aimerai le refaire encore.