Source : Highbury, the Story of Arsenal in N5 de Jon Spurling

Dans les années 30, le Football anglais n’avait aucune intention de jouer des équipes en dehors des iles britanniques. George Male (joueur puis coach à Arsenal) se rappelle d’une conversation avec un officiel de la FA, concernant la décision de l’Angleterre de ne pas participer à la première Coupe du Monde de 1930 : « On apprendra rien en jouant contre des espingouins et des ritales ». Male lui répond que l’Angleterre aurait beaucoup à apprendre sur les tactiques continentales en jouant l’Uruguay ou le Brésil, mais il lui répond « On a pas envie de te voir jouer contre des noirs Male, tu sortirais de ce bourbier en mangeant des bananes avec une blennorragie ». En dehors du racisme et de la xénophobie, le ministère des affaires étrangères craint que ces matchs soient utilisés à des fins politiques. « Faîtes attention à l’avance, lors des confrontations entre équipes britanniques et étrangères. La plus part d’entre elles cherchent une victoire dans le but de booster leur régime politique ».

En 1934, l’Italie de Mussolini remporte la Coupe du Monde, et la fédération est forcé de changer sa position, comme le gouvernement la FA craint que les italiens fassent de l’ombre à l’Angleterre en matière de Football. Alors un match « amical » est organisé à Highbury entre les deux nations. Ted Drake, grand joueur d’Arsenal et de l’Angleterre à cette époque se rappelle : « Même si l’Italie a la Coupe du Monde comme preuve de leur qualité, la FA et les journalistes britanniques considéraient toujours que nous étions les seuls champions du monde de Football, d’un point de vue moral. Comme si refuser de participer à cette compétition faisait de nous de meilleurs joueurs d’un point de vue moral : vraiment n’importe quoi. »

Une caricature qui montre l’approche différente des deux équipes

La composition de l’équipe d’Angleterre est alors une sorte d’Arsenal bis : Copping, Bowden Male, Moss, Drake, Hapgood et Bastin. Avec 7 joueurs titulaire sur 11 faisant partie de la glorieuse équipe d’Arsenal des années 30s, le Daily Mirror titre « Arsenal Armada ». Et ce match est surnommé alors « The Battle of Highbury », en référence à l’appétit pour la Guerre de Mussolini. D’ailleurs ce dernier a déjà entendu parlé de la réputation de « Iron Man » Wilf Copping, le très agressif arrière droit d’Arsenal. Ted Drake décrit Copping comme « volcanique. Il était exactement ce dont on avait besoin contre l’Italie. » Avant que le match ne commence, les joueurs anglais ont appris quels bonus de victoire était prévu par Mussolini pour leurs adversaires italiens : £150 par personne, 1 voiture Alpha Romeo flambant neuve, et surtout une exemption de service militaire ! George Male se rappelle : « ça nous a motivé, c’était de l’argent et des richesses qui allait au-delà de notre imagination ». Contrairement aux joueurs italiens, les anglais sont professionnels mais ne toucheraient que £2 de prime pour leur apparition dans ce match.

La presse anglaise met la pression, selon le Daily Mail, l’Angleterre doit viser une victoire par 10 buts. 54000 personnes viennent à Highbury, dont la communauté italienne de Londres. Ted Drake voit pour la première fois de sa vie des italiens : « c’est comme si ils venaient d’une autre planète, ils étaient très bien habillé, très bien bâtit, typiquement latins. C’était de très beaux jeunes hommes. Alors que nous les anglais, des dents cassés, des oreilles en choufleur. On allait pas gagner un concours de beauté ».

Ted Drake enlacé par un italien

Le match commence très fort, l’Angleterre marque d’entrée par Erik Brook de Man City, puis dans la foulée il en marque un second. Après 15 minute, c’est au tour de Ted Drake de marquer le 3ème but. Finalement la prédiction du Mirror n’était peut-être pas si folle. Seulement le match est loin d’être une partie de plaisir. Peu après l’ouverture du score, Wilf Copping casse le pied du capitaine italien Monti sur un clash « accidentel ». La rumeur dit que ça n’avait rien d’accidentel mais difficile de se faire une idée. Le match était commenté en direct à la radio par le manager d’Arsenal George Allison, donc il a passé sous silence cet incident. George Male : « Ca ne m’aurait pas surpris de la part de Wilf, il était tellement survolté avant ce match. Mais si il a volontairement blessé Monti, il l’a fait avec beaucoup de subtilité, car je n’ai rien vu. »

Après ça les italiens deviennent très violents, le capitaine de l’Angleterre et d’Arsenal Eddie Hapgood en subit les frais. Un joueur italien lui marche sur le visage et lui casse le nez. Il va quand même continuer le match, dans son autobiographie il raconte : « c’est difficile de jouer quand quelqu’un qui ressemble à un mafioso vous griffe les mollets à coup de crampons ». Les italiens se battent dans tout les sens du terme pour revenir à 3-2 grâce à 2 buts de Giuseppe Meazza, le joueur de l’Inter Milan, à la 60ème minute. Dans la demi heure qui suit Wilf Copping fait le match de sa vie pour empêcher les italiens de revenir au score et garder ce court avantage. Il a fait sortir un autre italien sur blessure juste avant la pause et en seconde mi temps, lors d’un duel il force deux joueurs adverse à terminer le match en boitant. Il terrifie les italiens qui n’osent plus s’aventurer proche de la surface. L’Angleterre gagne 3-2 dans un des matchs les plus violents de l’histoire.

Wilf Copping soigné par Tom Whittaker dans la salle de soin

Eric Brooke termine le match avec une fracture du coude, Hapgood est envoyé à l’hôpital pour soigner sa fracture du nez, Drake, Bastin et Bowden ont tous eu besoin des soins de Tom Whittaker. Ted Drake se rappelle : « L’infirmerie de Tom était merveilleuse dans le monde du sport, il y avait des lampes chauffantes, des tables de massage, des éponges, etc … les boxeurs, cricketeurs et jockeys voyageaient des kilomètres pour venir se faire soigner là-bas par Tom, car il avait des dons de soigneur. » Wilf Coppin sort du match pleins de bleus et de plaies mais ne montre aucun signe de souffrance, sa réputation d’homme d’acier n’est pas exagérée. Après ce match la FA menace de bannir toute rencontre internationale, avant de reculer. La presse anglaise prend évidemment le partie de son équipe : « Voilà la preuve irrefutable que l’Italie n’est championne du monde que de nom. » Le Times ajoute « Est-ce qu’ils peuvent continuer de se dire champion du monde après cette défaite? » George Male se rappelle : « Malgré le fait que l’Italie aurait probablement dû gagner, personne à l’époque ne pouvait l’accepter. Les graines d’années de contreperformances de l’Angleterre sont plantées. Ceci-dit, le match est inoubliable – et c’était super que ça ait eu lieu à Highbury. »

Les italiens tirent à pile ou face pour désigner celui qui ira annoncer à Mussolini leur défaite
Résumé du match