source : Arsenal, the Making of a Modern SuperClub (publié la première fois en 2008)
« On pense que vous devriez partir » lui dit Peter Hill-Wood avec l’appui des autres membres du Board. Lady Nina Bracewell-Smith ne s’y attendait pas, juste quelques heures après sa réélection au sein du Board lors de l’AGM d’Octobre 2008. Lors de cet Annual General Meeting, Lady Nina était assise entre Arsène Wenger et Stan Kroenke, qui faisait sa première apparitions publique devant les supporters, juste quelques semaine après son inclusion dans le Board. Une absence notable, celle de Danny Fiszman. Elle va finalement quitter son poste quelques semaines plus tard, après avoir cherché à annuler cette décision. Peter Hill-Wood se rappelle : « Elle est rentré dans le Club car elle a hérité des actions de son défunt mari, et j’aurais vraiment souhaité qu’elle ne parte pas dans ces conditions, car on a essayé de la persuader de rester au Club dans un certain rôle mais elle a refusé. » Un rôle honorifique, pour que la famille Bracewell-Smith soit toujours présente au Club, mais sans pouvoir. « En tant que dirigeante, elle n’était pas bonne. Mais elle pouvait rester dans ce rôle honorifique et garder tout les autres privilèges. Elle a refusée. » Le Board est tout de même rassuré de son départ, car Lady Nina était devenu un problème. « Elle m’a beaucoup déçu car on lui a offert tout les rameaux d’olivier possible. Je suis quelqu’un d’assez facile à vivre, tant que vous ne me contrariez pas considérablement, je m’entends toujours bien avec tout le monde, mais elle était pas très simple à gérer. »
A l’époque, Arsenal était pris en pleine Guerre Froide entre les USA et la Russie, entre Stan Kroenke et Alisher Usmanov. Les deux milliardaires menaçaient de prendre le pouvoir au Club, et bien qu’Arsenal ait d’abord fortement résisté à l’américain, les Gunners ont compris que pour résister à l’Uzbèque ils étaient forcé de s’allier à lui. Et il est reproché à Lady Nina ses relations trop proches avec Usmanov. Les actions sont gelées jusqu’à Avril 2009, mais le Board accepte en attendant d’accueillir Stan Kroenke. Et Peter Hill-Wood dit à l’époque : « Stan Kroenke est absolument le bon genre d’actionnaire, c’est un homme riche, pas un homme qui emprunte comme les russes. Il est très dévoué aux sport, il s’intéresse au Football. C’est quelqu’un de très réaliste, il sait que la MLS ne rivalisera pas avec la Premier League et il apprécie ce qu’on fait à Arsenal. Il n’est pas intéressé à racheter le Club, c’est en tout cas ce qu’il m’a dit, et je n’ai pas de raisons de ne pas le croire ». Ken Friar ajoute : « Il est propriétaire de franchises, il a un beau portfolio. Il a fait carrière aussi dans l’immobilier, donc l’idée c’est de profiter de son expérience en sport et immobilier, ainsi que le merchandising à travers sa famille. On espère qu’il mettra à profit tout ça pour le Club. » Peter Hill-Wood revient sur son retournement de veste au sujet de Kroenke, lui qui l’avait publiquement critiqué. « J’ai dit ça car je n’avais aucune idée qui il était. J’étais contre lui car David [Dein] m’avait dit qu’il n’avait jamais entendu parler de lui, et clairement c’était un mensonge. Je l’ai appelé, je lui ai dit « un américain va racheter les parts d’ITV, je voulais te prévenir ». Il me dit « Oh vraiment ? Je savais bien qu’il se passait des choses ». Donc tout ça m’a vraiment contrarié, mais je savais pas qui était Stan Kroenke. Quand je l’ai rencontré pour la première fois je me suis excusé pour mes remarques, certaines ont été inventées. Il m’a répondu « t’inquiètes pas, moi je suis pas inquiet » ».
Lady Nina s’est toujours sentit marginalisée au Board « J’ai été injustement traité dès le premier jour où je suis arrivé dans le Boardroom. Danny Fiszman était toujours très distant et j’avais le sentiment que si on était pas d’accord avec eux on était marginalisé ». Elle était toléré car ses 15.9% de parts ne devaient pas filer entre les mains de Red & White Holdings – soit Usmanov, son associé Moshiri et David Dein. Seulement une fois l’alliance avec Kroenke forgée, elle ne leur était plus utile. « Ils ne voulaient pas de moi, mais après avoir viré David Dein, j’avais 15% et ils devaient faire avec moi. Maintenant ils ont Stan Kroenke et ils n’ont plus besoin de moi. » Le Board ne craint plus Lady Nina. « Si elle vend ses actions, qu’est-ce qu’on peut y faire ? La situation a beaucoup changé ces 5-10 dernières années. Quelqu’un peut venir et racheter le Club, c’est la fin d’une ère. Et à moins d’avoir 51% des parts on ne peut pas résister à ça, c’est pour ça qu’on a pris ce risque [avec Stan Kroenke]. » Avec l’alliance avec Kroenke, même si Lady Nina vend ses actions à R&W Holdings, ils ne peuvent pas atteindre ces 51%. Le départ de Lady Nina a été rendu possible aussi grâce à celui de son cousin par alliance, Richard Carr, son seul potentiel soutient dans le Board. Il n’a pas eu à voter le départ de Nina Bracewell-Smith et la famille Carr (son frère Clive Carr était aussi dirigeant) a pu garder ses privilèges contrairement à elle. « Je n’avais aucune idée qu’ils allaient faire ça. Et ils ont toujours leur siège dans la loge des dirigeants, moi je n’ai plus rien ». Contrairement à Lady Nina, la famille Carr a joué le jeu et l’a bien joué, ils ont pu gagner une bonne somme sur la vente de leurs actions (18.1% des parts) à Kroenke tout en gardant leurs privilèges. Et Nina Bracewell-Smith s’est sentit trahie par sa belle famille.
Le Board non seulement redoutaient Usmanov, mais David Dein était au centre du projet de Red & White Holdings, l’homme qui les a trahis. L’idée pour Usmanov, c’est que David Dein était quelqu’un d’encore très populaire chez les fans, et il avait toujours une grande amitié avec Arsène Wenger. Mais le manager français ne s’implique pas dans ces enjeux politiques, et Usmanov est majoritairement très impopulaire chez les supporters. Finalement David Dein quitte R&W holding en Septembre 2008, il nie avoir été exploité par Usmanov. « C’était mon choix. J’ai fais venir 2 milliardaires à Arsenal, ce projet a suivit son cours. C’est pas une mauvaise chose que ça se termine, je veux retrouver mon indépendance et dire ce que je pense. » Il est plus un habitué des loges de Red & White (ils avaient 4 sièges dans la tribune des dirigeants et une table dans la salle a manger des dirigeants), et se contente de ses places en Club Level (il en a 4, et d’autres en Upper Tier, il en fait profiter des oeuvres de charité ou des amis). Quelques mois plus tôt, le Board a appris que Lady Nina était présente dans une des loges d’Usmanov a la mi temps d’un match, invitée par Moshiri l’associé de l’Uzbèque, peut-être que si ça c’était passé après le départ de Dein ou que la rencontre s’était faite dans un endroit plus neutre du stade, les répercutions auraient été différentes. Mais c’est arrivé alors que les actions étaient gelées, que le Club craignait un rachat d’Usmanov, et ça a été vécu comme une provocation par le Board. « Virer une dirigeante c’est vraiment extrême comme réaction, et la manière manquait de sensibilité (lors du diner juste après l’AGM). C’est pas comme ça qu’on traite une femme » a dit Lady Nina. « Le Board voulait que je parte, et ils avaient d’autres plans en tête ».
En effet, ils souhaitaient engager un CEO pour remplacer Keith Edelman, et c’est Ivan Gazidis qui est choisit en Novembre 2008. Bien qu’il soit un des membres fondateurs de la MLS, c’est une décision qui n’a pas été prise par Stan Kroenke. « Il n’a pas été impliqué dans ma nomination. Et j’ai demandé à ce qu’il ne soit pas informé avant que je prenne ma décision. » Kroenke lui même a declaré : « Je n’ai rien à voir avec ça. Si c’était le cas les propriétaires des autres franchises en MLS auraient été très fâchés, mais c’est quelqu’un de compétent ». Contrairement à son prédécesseur, Gazidis est un homme du Football. Peter Hill-Wood : « Il a 45 ans, c’est la nouvelle génération, c’est mieux qu’un septuagénaire. D’un point de vue commercial on a du retard à rattraper, beaucoup de choses à améliorer qui sont peut-être étrangères à mes connaissances. Je suis suffisamment réaliste pour être conscient qu’on est pas un petit Club du nord de Londres. Ivan va nous aider à développer le Club dans tout les aspects du business, qui prennent une place plus importante dans tout les Clubs. Ketih [Edelman] a fait du très bon boulot mais pour nous faire progresser à l’avenir, il n’était pas la bonne personne. »
Concernant Lady Nina Bracewell-Smith, elle a gardé ses 15.9% de parts jusqu’en Avril 2011, quand Kroenke a fait une offre de rachat du Club, qui a été suivie d’une offre de rachat d’Usmanov. A ce moment, beaucoup se demandaient si elle allait vendre ses actions à l’américain ou à l’ouzbèque – bien que même si elle avait vendu ses parts à Usmanov, Kroenke avait récupéré suffisamment de parts pour dépasser les 51%. Mais la compétition aurait été beaucoup plus serrée. Elle a finalement opté pour Stan Kroenke et a récupéré une belle somme (plus de £100m). Un an plus tard, en Mars 2012, le Club la nomme vice-présidente d’honneur du Club. Un titre honorifique, mais c’est malgré tout une surprise vu ses relations avec le Board. Elle a d’ailleurs passé les années suivantes à critiquer la direction et Stan Kroenke à travers les réseaux sociaux. En 2018 elle a porté plainte contre ses avocats ainsi que Deloitte, pour leurs conseils lors de la vente de ses actions. Mais en réalité sa plainte porte plus sur les impôts qu’elle a payé sur cette somme (£10m), et sur la somme qu’elle a dépensé pour leurs services (£1.2m). Elle a été selon elle forcée à l’exile à Monaco pour réduire les dépenses en terme d’impôts et demande des dommages pour la « détresse et les désagréments » de ce déménagement, car elle ne voit plus aussi souvent qu’avant sa famille et ses amis en Angleterre. Elle a finalement reçu £11.6m de réparation.