source : Herbert Chapman on Football, un recueil de ses colonnes dans le Sunday Express pendant sa carrière d’entraineur à Arsenal.

Le danger de la critique

« Le Football est tel aujourd’hui que c’est dangereux de critiquer sans connaissance. Il n’y a pas eu de moment dans l’histoire de ce sport où les tactiques employées ont été autant étudiées et les matchs si soigneusement préparés. Donc en ce qui concerne Arsenal, j’en ai jamais fait secret, et je saisit cette opportunité pour dire qu’un homme peut être facilement mal jugé car il joue dans une équipe un rôle qui n’a rien de spectaculaire, mais selon les plans établis, est d’une importance vitale.

Quels sont les ordres? Quels sont les rôles? Si ces choses ne sont pas prises en compte, et si on ne fait pas preuve d’imagination, il y a de très grandes chances qu’un joueur soit injustement traité. L’équité de la presse ne doit jamais être remise en cause, et je ne querelle pas avec les opinions qu’ils expriment, mais je les exhorte à réfléchir au-delà de ce qui parait évident avant de tirer des conclusions.

J’exhorte le publique, dans leur opinion sur le Football, de prendre consciences des changements tactiques importants qui ont eu lieu ces dernières années. Il y a eu des mesures défensives pour resserrer le marquage. La plus part du temps cela vient d’ancien joueurs reconvertit manager ou coachs. Dans ces circonstances quand un joueur doit éviter un tacle, il doit prendre une décision précipitamment. Si il décide de la garder et la perd, il est sujet au ridicule et on lui reproche « de ne pas s’en être débarrassé ». On parle de fraction de secondes, mais le rythme des matchs aujourd’hui n’aide pas la précision des passes. C’est en fait responsable de nombreuses passes ratées, et ça créée l’impression que le jeu est pauvre. Mais quand une passe mal dirigée est faites, notez les conditions dans lesquelles elle a été faite et vous pourrez décider qui est réellement fautif. Est-ce que c’est celui qui fait la passe, ou est-ce que c’est le triomphe de la défense sur l’attaque?

Si le publique pouvait être dans la confidence des Clubs, et pouvaient connaitre les tactiques décidées, et l’ambition de ces décisions, je pense qu’ils apprécieraient mieux les matchs. Plusieurs fois on m’a demandé de permettre à des visiteur d’être présent lors de réunion avec l’équipe à Highbury. Mais on ne peut pas non plus dévoiler tout nos secrets. Et pourtant, un spectateur gagnerait tant à mieux connaitre les plans de jeu.

Lors d’un récent match contre Leicester City, Maw vient côté gauche pour faire une touche, il est suivit par John l’arrière du couloir opposé. J’ai entendu un spectateur crier « Regardez Bob John! Il est encore hors de position ». Bien sûr que John a suivit Maw. Sans ça, ça aurait permit à l’attaquant de Leicester de se déplacer librement sans marquage, et serait devenu un danger pour l’équipe. Pour un Footballeur accomplit, c’est une évidence, mais c’est ce genre de chose qu’un spectateur doit comprendre pour apprécier le mieux possible l’aspect tactique d’un match de Football. »

Les Barrackers

« Il y a beaucoup de malheurs chez les Footballeurs que le publique ignore. J’ai parfois pensé que c’était mieux si ils étaient mis au courant, car ça leur permettrait de comprendre mieux ce qui se passe sur plein d’aspects, et ainsi avoir un jugement plus juste du match. Car le spectateur peut souvent être cruel.

Un joueur du nord m’a une fois dit que les spectateurs au stade l’avaient « pris en grippe ». Il me dit « je sais que je n’ai pas bien joué. Au début de la saison, le ballon semblait ne jamais aller comme je le voulais, et je n’y arrivait pas. Maintenant je joue encore pire que jamais car je pense plus à la foule qu’au match. Ils sont certains que je vais perdre ma place, et qu’ensuite je serai transféré, si un Club pouvait être persuadé de me signer. J’en ai marre. Si j’avais su, j’aurais continué mon boulot et je ne me serais jamais lancé dans le Football ».

Un autre incident montre l’incalculable blessure que peuvent faire des « barrackers » (que l’on peut traduire en chahuteurs). C’était il y a quelques années, un jeune arrive dans mon bureau, et je lui met le formulaire devant lui pour signer. J’ai été totalement étonné lorsqu’il s’est mit à mettre ses mains sur son visage, en pleurant. « Ce n’est pas la peine », il me dit. « Je suis inutile pour n’importe qui dans le Football. Je ne peux plus le supporter. La foule s’en prend toujours à moi. Je rentre chez moi et j’espère ne plus jamais taper dans un ballon à nouveau ».

Il avait 20 ans, il était professionnel depuis 2 ans, frappé par la douleur, et pourtant c’était un joueur pour lequel j’avais beaucoup d’espoirs. Je savais qu’il avait été chahuté parfois, mais je ne le pensais pas autant atteint. Malheureusement il avait caché ses sentiments, et personne ne savait combien il en avait souffert. Je l’ai persuadé de prolonger son contrat, et l’été suivant il était heureux à nouveau. Pendant un temps il allait mieux, mais à nouveau la foule s’en est pris à lui, et j’ai considéré que c’était mieux qu’il parte pour un nouveau départ – même si ça voulait dire sacrifier un joueur dont j’étais convaincu d’un potentiel exceptionnel. La vérité c’est qu’il était trop sensible.

Personne n’attend des supporters à ce qu’ils soient silencieux; en fait on aime lorsqu’ils expriment leur intérêt et leur enthousiasme. On ne désapprouve pas quand ils félicitent l’adversaire. L’impartialité est une bonne chose. Mais on insiste pour que les joueurs soient traité justement. On ne tolèrera pas de bruyants et vulgaires barrackers. Je suis persuadé d’écrire ceci après ce que j’ai vu, entendu, et ce qu’on m’a rapporté. J’en ai déjà discuté avec des dirigeants de deux autres Clubs qui ont été ennuyé par cette nuisance, et j’ai dit franchement que selon moi, notre rôle est d’avant tout protéger nos joueurs.

Un homme bien connu était chahuté dans les Midlands, et de ce qu’on m’a rapporté, il a perdu son sang froid. Se retournant contre un spectateur, il lui a dit « vient me voir dans le vestiaire, on va régler ça ». Évidemment ce genre de chose ne doit pas se produire, et si les Clubs protègent suffisamment leurs joueurs, ça ne devrait pas se produire. Si jamais les joueurs et les supporters devaient se disputer, quel en serait le résultat? »

Fans d’Arsenal dans les années 30s

Comment arrêter les Barrackers?

« En tant que Club, on ne peut pas permettre que nos joueurs soient chahutés, et les plus fortes mesures sont justifiées. Comme je l’ai dis, on doit donner aux joueurs la meilleur protection. Ils jouent seulement si selon notre jugement ils sont qualifié pour le faire, et c’est la fin du management si la foule dicte les décisions qui doivent être prise par le manager. Et puis, 9 fois sur 10, c’est une question d’opinion si un joueur est un succès ou non. Et qui doit le décider? L’officiel responsable ou la foule?

Les spectateurs, je suis d’accord, sont généralement de bons juges, cependant ils sont facilement aveuglé par des préjugés étranges et extraordinaires, en particulier à l’encontre des joueurs. Mais c’est impossible de toujours juger correctement la valeur du travail d’un homme dans le contexte d’une équipe, et souvent, au moins à cause de ça, ils sont coupable de mauvais jugements.

Mon remède est simple, je n’accepte aucune nuisance grave, peu importe ses formes. Mais si ça doit arriver, je fais appel aux personnes plus justes dans la foule, et j’imagine qu’il y a un bon lot de sportifs dans chaque tribune, pour les empêcher de nuire.

Si ça ne fonctionne pas, alors il faut la manière forte. Un homme qui paie pour rentrer dans le stade a des droits et des privilèges, mais il est autorisé à rentrer dans le stade par la promesse qu’il se comportera bien. Et tant qu’il refusera de se comporter comme un sportif, il doit quitter le stade. J’ai récemment suggéré cette idée pour faire face aux barrackers à un Club sérieusement affecté par eux, mais on m’a répondu qu’ils n’étaient pas prêt à se priver de leur soutient. Je leur ai répondu que c’est justement parce qu’ils font preuve de cette faiblesse qu’ils se trouvent confronté à ce problème. »

Une altercation à Highbury

« Peut-être la plus embarrassante situation à Highbury s’est déroulé lors d’un match contre Middlesbrough qui a été annulé à cause du trop faible éclairage. Quand l’arbitre et les joueurs ont quitté le terrain, les spectateurs n’ont pas apprécié cette décision, et ont refusé de partir. En attendant dans l’espoir que le match reprenne, les projecteurs se sont remis à fonctionner normalement soudainement. Mais les joueurs étaient dans leur bain, c’était impossible de les faire revenir sur le terrain.

Alors les spectateurs ont envahit la pelouse et se sont attroupé devant la tribune principale et m’interpelaient. J’ai emprunté un mégaphone et je m’apprêtais à leur informer que le match a été annulé à cause d’un problème d’éclairage. Je commence : « L’arbitre, un gentleman venu du Yorkshire … » mais j’ai été interrompu. Un homme a crié « vous venez du Yorkshire, il n’y a pas de gentleman là-bas! ». La foule s’est mise a rigoler, mais a finalement quitté le stade, réalisant que l’arbitre avait décidé d’arrêter le match. Et c’était fini. »