source : Adrian Clarke dans thesetpieces

C’est une période un peu oublié de l’histoire moderne du Club, Arsène Wenger n’a pas succédé directement à George Graham, pendant l’été 1995 c’est le manager de Bolton Bruce Rioch qui est devenu le manager d’Arsenal. Une courte période car il fut licencié au tout début de la saison 1996-1997 après divers problèmes relationnels avec les joueurs cadres d’Arsenal. Adrian Clarke joueur d’Arsenal à cette époque, revient sur cette période dans son Blog.


« Certains Managers évitent les conflits, Arsène Wenger est un de ceux là, alors que son prédécesseur était l’opposé. En fait, il se serait jeté a pied joint dès que l’opportunité se présentait, si il considérait que ça pourrait porter ses fruits ensuite, que ce soit pour le joueur ou le collectif. Il n’avait pas peur du conflit, ça faisait partie de sa personnalité. Mais ça a aussi causé sa perte.

Peu importe le statut du joueur, il faisait toujours savoir dès que quelque chose ne lui plaisait pas, et sans y mettre les formes. Il était honnête, franc, et dur, il ne faisait pas dans la diplomatie ou la manipulation. Alors qu’il avait un groupe fait de joueurs expérimentés qui ont déjà gagné des titres de champions, FA Cup, Coupe de la Ligue et Coupe de Vainqueurs de Coupe, il n’y avait pas de traitement de faveur. Et ça n’a pas du tout plu aux forts caractères qui composaient ce groupe. Je me rappelle des nombreuses altercations entre lui et Ian Wright. Une fois il avait stoppé une session d’entrainement pour dire à Wrighty qu’il devrait prendre exemple sur son ancien joueur à Bolton, John McGinley, au niveau des appels. C’était une grave erreur de communication. Je suis sûr que ça partait d’un bon sentiment, mais ça a été mal pris, et leur relation ensuite n’a plus été la même. Ian n’avait plus aucun respect pour son manager, et ça a été le début de nombreuses disputes dans le vestiaire.

Personnellement, j’avais trop peur pour répondre; même quand Rioch m’avait laissé la trasse de ses crampons sur ma cheville à l’entrainement. A l’inverse de George Graham qui restait à l’écart des oppositions pour ne pas ralentir le rythme, Bruce participait si jamais on était un nombre impair, et n’hésitait pas à aller à fond dans les duels contre ses propres joueurs, laissant souvent trainer les crampons sur les plus jeunes joueurs. Il aimait le contact. Je me rappelle un jour, lui et Eddie McGoldrick se rendaient coup pour coup (ce qui avait faire beaucoup rire les autres), et c’était assez courant. Quand on est un jeune joueur comme moi, on sentait qu’il voulait nous tester, voir comment on réagit, c’était la vieille école.

Plus il était dur avec nous, plus il pensait nous aider sur le long terme, et ça ne me dérangeait pas. Si il me prenait pour cible à l’entrainement, je me disait qu’il s’intéressait à moi. Voilà comment les choses marchaient à l’époque. A l’inverse des jeunes actuellement, on était vraiment pas emballé dans du coton. Fils d’un Sergent Major dans l’armée Ecossaise, Rioch est arrivé à Arsenal avec cette réputation de manager à la militaire, on a vite découvert que ce n’était pas un mythe.

Il se concentrait sur le détail, l’esprit d’équipe, l’organisation, et le long terme – ça se reflétait dans ses séances d’entrainement. Je me rappelle des courses que l’on faisait autour du centre d’entrainement de London Colney un jour en pré-saison, avec George Armstrong (notre coach de la Reserve que l’on adorait) qui griffonnait sur un papier à chaque fois que l’on faisait un tour. Basé là-dessus, il nous séparait en plusieurs groupes, dans chacun de ces groupe un des joueurs les plus lents. Et le but pour les autres était de faire en sorte que le dernier de leur groupe arrive avant celui des autres. C’était un exercice typique de camp d’entrainement militaire pour améliorer l’esprit d’équipe. Dans mon groupe on avait Paul Merson (un joueur sensationnel, mais un très mauvais athlète). Et la façon dont le manager nous hurlait dessus pour aider le plus faible de notre équipe ressemblait plus à une méthode de chef instructeur de l’armée, il aurait très bien pu porter un uniforme kaki plutôt que le survêtement du Club.

Il était aussi très méticuleux, c’était évident lorsque l’on travaillait les coups de pied arrêtés. Sous George Graham, c’était une mécanique millimétré, donc il y avait une tradition à faire perdurer, et on a travailler dur pour ça. Mon pied gauche était ma plus grande force, et je tirais donc les corners et coups francs. Un jour à l’entrainement, il m’a demandé de viser spécifiquement la tête d’Andy Linighan au premier poteau lors d’un corner; mais pour une raison ou une autre je n’y arrivais pas. Plus il me demandait de réessayer, plus ça empirait. J’avais honte, j’avais envie de me cacher, et le manager ne me montrait aucune sympathie. Tout ce qu’il voulait c’était que le corner soit bien tiré, donc après avoir secoué plusieurs fois la tête de désapprobation, et plusieurs regards noirs, il m’a retiré des tireurs de corner, et m’a demandé de me mettre sur le côté. Après ça je ne me suis plus entrainé avec l’équipe première pendant des semaines.

Adrian Clarke sous les couleurs d’Arsenal

Il était impitoyable. Ray Parlour, Martin Keown, Stephen Hughes me rappellent toujours cette histoire quand on se voit. J’ai été surnommé ‘le fils de Bruce’ par certains qui pensaient que j’étais son chouchou, mais cet incident était le genre d’histoire brutal qui est resté dans leurs mémoires. On en rigole maintenant, mais à l’époque ça m’a complètement abattu. Je m’entendais plutôt bien avec Bruce Rioch, et je lui serai toujours reconnaissant de m’avoir permit de commencer 5 matchs en 8 présence dans le groupe lors de la saison 1995-96. Il aimait les jeunes joueurs et c’était fantastique. Avant sous George Graham, c’était difficile de se faire remarquer, il était quelqu’un de prudent de nature et inquiet par le risque de donner sa chance à un jeune joueur. Rioch moins. Si il vous trouvais assez bon, il vous lançait dans le grand bain.

Cette confiance nous a permit de gagner en assurance dans cet environnement, et ça nous permettait de jouer à notre meilleur niveau. Il avait aussi un côté sympathique malgré tout. Lorsque que l’on discutait individuellement il demandait souvent des nouvelles de la famille. Ce n’était pas que des discussions sur le football, il cherchait à connaitre l’homme. Construire un esprit de famille dans le vestiaire était important pour lui, et c’était devenu une habitude que les joueurs amène un gâteau quand l’un d’eux fêtait son anniversaire – les joueurs n’étaient pas aussi entousiastes qu’à l’époque de son prédécesseur dans ce genre de rassemblement – mais l’intention était bonne.

Autre règle plutôt bizarre c’était lorsque l’on se saluait. Si le matin il me disait « Salut, ça va Clarkey? » et que je répondait juste « oui ça va, merci » il se mettait en colère « Comment ça? T’es un joueur professionnel, tu joue pour un grand Club, et juste ‘ça va’? Trouves mieux fiston! » Je sais pas pourquoi il donnait autant d’importance à ça. Et les joueurs se moquaient de lui en répondant « je vais absolument merveilleusement bien Boss. Incroyablement bien en fait. Et vous? Comment va la famille? » avec évidemment beaucoup de sarcasme. Dans le football, avec des joueurs professionnels expérimentés et cyniques il fallait s’y attendre.

Avant que l’arbitre fasse sonner la cloche avant les matchs, pour nous demander d’aller sur le terrain, Bruce faisait le tour du vestiaire en serrant la main de chaque joueur, en regardant dans les yeux, et disant « joue bien ». Il ne nous perturbait pas avec un discours d’avant-match, et j’aimais plutôt ça.

Avec Rioch, Arsenal jouait un bon football, c’est souvent injustement oublié. Libéré de la prudence de Graham, les joueurs étaient encouragé à passer et bouger plus rapidement, jouer avec plus de liberté. Arsenal était plus beau à voir qu’avec son prédécesseur. L’arrivée de Dennis Bergkamp a surement joué un rôle là-dedans, Bruce l’adorait (on peut le comprendre) et souhaiter construire l’équipe autour de lui. Les résultats ont progressé aussi, après avoir finit 12ème, il fait finir Arsenal à la 5ème place, avec 12 points de plus que l’année précédente. Mais ce n’était pas suffisant. Mi Aout, Bruce Rioch est viré, et part avec la distinction du manager qui a passé la période la plus courte au Club avec seulement 61 semaines.

Que s’est-il passé? Honnêtement je ne sais pas. Je pense que ces confrontations régulières ne plaisaient pas aux dirigeants. Ils ont du être mis au courant que certains joueurs ne l’aimaient ou ne le respectaient pas. Quand les cadres d’un vestiaire soutiennent un entraineur, les autres suivent. Je me demande si c’était à refaire, si il n’aurait pas fait plus pour mettre ces joueurs de son côté. Je l’ai bien aimé, c’était un homme fort, avec un style de management sévère, peut-être trop similaire à son prédécesseur qui a construit l’équipe dont il a hérité. Ca semblait être un moment dans l’histoire du Club où il fallait prendre un nouveau tournant, symbolisé par quelqu’un qui transformerait le Club de façon plus importante. Et finalement Arsène Wenger était la parfaite décision. »